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Sur la route qui traverse le Tyrol du nord au sud, à quelques kilomètres du col de Resia (Reschenpass) qui marque la frontière entre Autriche et Italie, le Reschensee (ou Lago di Resia) réserve une belle surprise: le clocher d'une église surgit d'une sorte de lagon. Notre balade virtuelle vous emmène en faire le tour et le découvrir sous tous les angles.
Le lac de Resia est un lac artificiel et la construction du barrage en 1950 a englouti le vieux village de Graun im Vinschgau, qui fut reconstruit un peu plus haut. Le clocher de l'église est resté debout et se dresse maintenant au centre d'une sorte de lagon séparé du reste du lac.
Pour découvrir un des plus beaux panoramas sur le lac, allez sur cette jetée de bois. Elle surplombe le rivage qui forme comme une longue plage annulaire enserrant les eaux turquoise du lagon.
Nous sommes ici au Tyrol du Sud (ou Haut-Adige), un territoire germanophone qui fut rattaché à l'Italie en 1919 lors du démantèlement de l'Empire austro-hongrois à l'issue de la Première Guerre mondiale.
Cette partie de l'Italie parle en fait principalement südtirolerisch, un dialecte allemand proche du bavarois. Seuls 25% des habitants sont italophones, et une minorité parle un dialecte ladin, une langue proche du romanche parlé en Suisse dans le canton des Grisons.
Durant la période fasciste, Mussolini a favorisé une immigration italophone dans la région et a pratiqué une italianisation forcée des noms de lieux, mais il ne parvint pas à éradiquer langue et culture germanophones, qui sont restées bien vivantes.
Le lagon étant alimenté par un ruisseau qui s'y jette au sud, le niveau de l'eau est régulé par ce petit torrent qui déverse le trop-plein dans le lac. On le franchit par une passerelle de bois pour continuer la balade.
L'ancien clocher et l'église submergée datent de 1357. En hiver, lorsque le lac gèle, le clocher est accessible à pied et une légende raconte que certains jours, les cloches sonnent encore. Mais elles ont été retirées du clocher en 1950, avant la formation du lac.
Entouré de paysages spectaculaires, le clocher et son lagon sont devenus une destination vantée par de nombreux guides touristiques. Mais ce campanile est le fantôme d'une tragédie que nous allons vous raconter au fil des prochains panoramas...
Avant le rattachement du Tyrol du Sud à l'Italie en 1919, l'Empire austro-hongrois avait déjà dans le Vinschgau (Val Venosta) un projet de barrage hydro-électrique. En 1920, ce projet fut repris par l'Italie, mais sous une forme qui ne menaçait pas les villages de la vallée. Puis les choses ont mal tourné...
Parvenu au pouvoir en 1922, le parti fasciste de Mussolini se mit à appliquer une politique d'italianisation forcée dans le Tyrol du Sud. Quelque 1000 noms de lieux furent traduits ou inventés, le Reschenpass devint Passo di Resia et Graun im Vinschgau devint Curon Venosta...
Dans une dictature, les intérêts et les droits des citoyens ne sont en général pas respectés. En 1939, l'Etat fasciste accorda à un consortium la construction d'un barrage qui devait engloutir Graun im Vinschgau et une partie de Reschen, le village voisin...
Mis en suspens en raison de la Seconde Guerre mondiale, le projet de barrage resurgit en 1947, à la stupéfaction des habitants. Mené par le même consortium, le projet ne tenait aucun compte de l'avis des villageois, inquiets pour la perte de leurs maisons et de leurs terres...
La population des villages a tenté d'utiliser tous les leviers politiques possibles, y compris une audience avec le pape Pie XII, pour empêcher la poursuite des travaux et convaincre le gouvernement de revenir sur sa décision...
Désespérée, la population fut expulsée sans pitié de ses terres, de ses maisons et de ses fermes. Le village de Graun im Vinschgau fut démoli et seul le clocher de l'église fut épargné. 677 hectares furent submergées, dont 523 de terres agricoles. 150 familles furent dépouillées de tout, ce qui représentait environ 1000 personnes. La moitié d'entre elles n'eurent que l'émigration pour unique solution...
Les compensations pour tous les dommages dus à la construction du barrage furent très modestes. Les habitants furent provisoirement logés dans des baraquements après avoir assisté à la destruction de leurs maisons, de leur patrimoine culturel et de tous leurs moyens d'existence...
Ce que la Deuxième Guerre mondiale n'avait pas pu détruire, un consortium de personnes cupides et sans scrupules l'a fait sans respecter la volonté et les besoins d'une minorité qui était alors opprimée. La nécessité de produire de l'énergie est certes réelle et indéniable, mais une expropriation ne doit jamais se faire sans véritable compensation.
Bien des années plus tard, malgré le développement touristique, il y a encore des blessures qui ne sont pas complètement guéries à Graun im Vinschgau. Cette histoire tragique, nous l'avons apprise de Kurt Ziernhöld, un hôtelier de Reschen, qui la raconte sur le site venosta.net.
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