Fondée à un moment où tirer et jouer de l'arc, de l'arbalète et de la couleuvrine n'était pas seulement un passe-temps agréable ou l'occasion de se rencontrer entre amis, mais surtout un devoir, l'Abbaye des Echarpes Blanches est de la même veine que toutes les sociétés qui virent le jour au Pays de Vaud, au XVIIe ou au XVIIIe siècle. Si les fondateurs de l'Abbaye inscrivaient dans leurs statuts que leur but était de "s'exercer et dresser au maniement des armes et en l'exercice militaire", ce n'était pas tant pour s'attirer les bonnes grâces du souverain, Leurs Excellences de Berne, que pour se mieux préparer à la défense du pays, allant même jusqu'à donner la possibilité à des non-membres de s'entraîner au sein de la Confrérie.
Il faut dire aussi que l'époque était troublée. La guerre de Trente Ans battait son plein et projetait sur la Suisse, comme on l'a écrit, "les sinistres lueurs de ses incendies". Si pendant toute la durée du conflit (1618-1648), la Confédération des XIII Cantons observa, par crainte d'une guerre civile, une stricte neutralité, elle dut cependant rester vigilante et veiller, en particulier, sur les importants passages des Alpes. Berne, bien que n'ayant plus rien à redouter, depuis le traité de 1617, de sa vieille rivale, la Savoie, avait cependant un intérêt évident à avoir des sujets toujours prêts, bien armés et entraînés. C'est la raison pour laquelle LL.EE., comme l'avaient fait avant elles les ducs de Savoie, encouragèrent la formation de ces sociétés de tir.
Les "Abbayes" - c'est le nom qu'elles prennent à partir du XVIIe siècle pour désigner une corporation, ou si l'on préfère une confrérie poursuivant un but commun - se multiplièrent pendant tout le régime bernois. Elles apparaissent comme les soeurs cadettes de ces sociétés de tir vaudoises, dont la première, fondée en 1381, est la respectable Milice bourgeoise de Grandcour. A chacune de ces sociétés, qu'elles fussent de fusiliers, d'arbalétriers, d'arquebusiers ou de mousquetaires, était attaché un certain nombre de privilèges, dont elles savaient se montrer jalouses. Il suffit de rappeler ici que le roi du "tir au Papegay" (perroquet), c'est-à-dire l'heureux tireur qui réussissait à abattre l'oiseau de bois fixé au sommet d'une perche, jouissait durant sa "royauté" d'une série appréciable de privilèges.
PLUS D'INFORMATIONS